Le Nigeria fait aujourd’hui face au terrorisme qui fait des morts parmi les civils, détruit les écoles, les villages, tue les enfants, et fait des otages. Le combat est le nôtre. Nous apporterons notre soutien ». Ces paroles de François Hollande ont fait mouche lors de son discours de clôture des cérémonies. Et pour cause. Le groupe Boko Haram, littéralement « l'éducation occidentale est un péché », est particulièrement actif en ce début d'année.
Fondé en 2002 par Mohamed Yusuf, ce mouvement islamiste rejetant le gouvernement fédéral s'est fixé l'application de la charia comme objectif et multiplie les attentats. Depuis 2009, la fréquence des attaques a augmenté et celles-ci se sont recentrées vers le nord-est du pays, poussant le président Goodluck Jonathan à déclarer l’état d'urgence dans les trois États concernés. Tout un paradoxe, puisque c'est justement le nord du pays qui possède une population à majorité musulmane.
Les tensions ethniques et religieuses ne sont pas neuves au Nigeria. Malgré son unification en 1914, le pays reste traversé par une frontière invisible entre musulmans au nord et chrétiens au sud. Apaiser les tensions liées à la religion est donc une des tâches premières du pouvoir politique, qui a bien du mal à y parvenir. Pour permettre une certaine représentation ethnique, une règle informelle a même été établie concernant la présidence du pays : tous les deux mandats, il est ainsi d'usage d'alterner entre un président du nord et un président du sud.
Cependant, les dernières élections ont fait exception à cette coutume. Goodluck Jonathan, président chrétien du sud, a été élu en 2011, après avoir déjà assuré l'intérim présidentiel depuis mai 2010. Depuis 1992, la présidence du pays été que tenue par un musulman qu'avec Umaru Yar’Adua, entre 2007 et 2010. De quoi renforcer la colère dans le nord du pays. En se déclarant candidat du People's Democratic Party (PDP) à la présidence, Goodluck Jonathan avait déjà fait face à de violentes émeutes dans le nord du pays. Celles-ci se sont doublées depuis d'un regain de violence terroriste, qui a encore frappé la semaine dernière : au moment même où la fête du centenaire du pays s'achevait, Boko Haram a tué quarante-trois jeunes dans un dortoir étudiant au nord du pays.
Le pays le plus peuplé d'Afrique, avec 169 millions d'habitants, possède une main d’œuvre importante ainsi que de riches ressources pétrolières. En passe de dépasser l'Afrique du Sud et de devenir la première puissance économique africaine, le Nigeria peut compter sur un taux de croissance annuel de l'ordre de 6 à 7% pour s'assurer un développement rapide. Si son PIB actuel ne s'élève qu'à 292 milliards de dollars contre 354 milliards pour l'Afrique du Sud, c'est en effet à cause des méthodes de calcul et pondération obsolètes, n'ayant pas pris en compte l'évolution des prix et le développement de certains secteurs. Une fois les méthodes de calcul revues par le FMI, le PIB pourrait voir son chiffre augmenter de 20 à 60% selon les prévisions.
Tout n'est cependant pas joué. Pour être performante, l'économie du pays a de nombreux défis à relever, à commencer par l'exploitation de ses ressources pétrolières. Principal atout économique du pays, celles-ci sont aussi sources de nombreuses polémiques qui freinent actuellement les bénéfices de leur exploitation. L'extraction de l'or noir à partir des années 1950 a en effet provoqué une pollution massive dans le delta du Niger, au sud du pays. En cause, des fuites dans les oléoducs qui traversent la région, dues en majorité à des actions de sabotages sophistiquées permettant de détourner une partie du pétrole.
Pour les multinationales pétrolières, le défi est donc de limiter les pertes économiques dues à ce détournement, dans l'attente d'une action du gouvernement. Celui-ci doit cependant gérer une autre polémique traversant le secteur depuis dix jours. Le président Jonathan vient en effet de limoger le président de la Banque Centrale : ce dernier a eu le malheur de dénoncer la perte de 20 milliards de dollars dans les recettes pétrolières, mettant en cause une gestion douteuse et corruption de la compagnie nationale pétrolière.
En parallèle, développement économique n'est pas synonyme de richesse de la population. Au Nigeria, plus de 60% de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Le ratio de population considérée comme pauvre en fonction du seuil de pauvreté national s'élevait à 46% en 2010. Dans certains États du Nord, ces taux atteignent même plus de 75% : peut-être faudrait-il s'attaquer à cette urgence pour débloquer les tensions religieuses qui y existent ?
Fondé en 2002 par Mohamed Yusuf, ce mouvement islamiste rejetant le gouvernement fédéral s'est fixé l'application de la charia comme objectif et multiplie les attentats. Depuis 2009, la fréquence des attaques a augmenté et celles-ci se sont recentrées vers le nord-est du pays, poussant le président Goodluck Jonathan à déclarer l’état d'urgence dans les trois États concernés. Tout un paradoxe, puisque c'est justement le nord du pays qui possède une population à majorité musulmane.
Les tensions ethniques et religieuses ne sont pas neuves au Nigeria. Malgré son unification en 1914, le pays reste traversé par une frontière invisible entre musulmans au nord et chrétiens au sud. Apaiser les tensions liées à la religion est donc une des tâches premières du pouvoir politique, qui a bien du mal à y parvenir. Pour permettre une certaine représentation ethnique, une règle informelle a même été établie concernant la présidence du pays : tous les deux mandats, il est ainsi d'usage d'alterner entre un président du nord et un président du sud.
Cependant, les dernières élections ont fait exception à cette coutume. Goodluck Jonathan, président chrétien du sud, a été élu en 2011, après avoir déjà assuré l'intérim présidentiel depuis mai 2010. Depuis 1992, la présidence du pays été que tenue par un musulman qu'avec Umaru Yar’Adua, entre 2007 et 2010. De quoi renforcer la colère dans le nord du pays. En se déclarant candidat du People's Democratic Party (PDP) à la présidence, Goodluck Jonathan avait déjà fait face à de violentes émeutes dans le nord du pays. Celles-ci se sont doublées depuis d'un regain de violence terroriste, qui a encore frappé la semaine dernière : au moment même où la fête du centenaire du pays s'achevait, Boko Haram a tué quarante-trois jeunes dans un dortoir étudiant au nord du pays.
Le pays le plus peuplé d'Afrique, avec 169 millions d'habitants, possède une main d’œuvre importante ainsi que de riches ressources pétrolières. En passe de dépasser l'Afrique du Sud et de devenir la première puissance économique africaine, le Nigeria peut compter sur un taux de croissance annuel de l'ordre de 6 à 7% pour s'assurer un développement rapide. Si son PIB actuel ne s'élève qu'à 292 milliards de dollars contre 354 milliards pour l'Afrique du Sud, c'est en effet à cause des méthodes de calcul et pondération obsolètes, n'ayant pas pris en compte l'évolution des prix et le développement de certains secteurs. Une fois les méthodes de calcul revues par le FMI, le PIB pourrait voir son chiffre augmenter de 20 à 60% selon les prévisions.
Tout n'est cependant pas joué. Pour être performante, l'économie du pays a de nombreux défis à relever, à commencer par l'exploitation de ses ressources pétrolières. Principal atout économique du pays, celles-ci sont aussi sources de nombreuses polémiques qui freinent actuellement les bénéfices de leur exploitation. L'extraction de l'or noir à partir des années 1950 a en effet provoqué une pollution massive dans le delta du Niger, au sud du pays. En cause, des fuites dans les oléoducs qui traversent la région, dues en majorité à des actions de sabotages sophistiquées permettant de détourner une partie du pétrole.
Pour les multinationales pétrolières, le défi est donc de limiter les pertes économiques dues à ce détournement, dans l'attente d'une action du gouvernement. Celui-ci doit cependant gérer une autre polémique traversant le secteur depuis dix jours. Le président Jonathan vient en effet de limoger le président de la Banque Centrale : ce dernier a eu le malheur de dénoncer la perte de 20 milliards de dollars dans les recettes pétrolières, mettant en cause une gestion douteuse et corruption de la compagnie nationale pétrolière.
En parallèle, développement économique n'est pas synonyme de richesse de la population. Au Nigeria, plus de 60% de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Le ratio de population considérée comme pauvre en fonction du seuil de pauvreté national s'élevait à 46% en 2010. Dans certains États du Nord, ces taux atteignent même plus de 75% : peut-être faudrait-il s'attaquer à cette urgence pour débloquer les tensions religieuses qui y existent ?
Le conservatisme social : un pari à double-tranchant
Le Nigeria, en ce début d'année 2014, c'est aussi les lois homophobes. Précédant l'Ouganda, le pays a adopté une législation anti-homosexuels encore plus forte que les lois déjà existantes. Promulguée le 14 janvier dernier, la loi adoptée à l'unanimité au parlement prévoit dix ans d'emprisonnement pour les homosexuels montrant publiquement leur relation ou les membres d'association LGBT, et quatorze ans de prison en cas de mariage homosexuel. La communauté internationale s'est immédiatement mobilisée pour dénoncer une loi discriminatoire et niant les droits fondamentaux. Navi Pillay, Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme, a d'ailleurs rappelé que « même avant l'adoption de cette loi, les relations homosexuelles consensuelles étaient proscrites ». Il s'agit donc là d'un nouveau pas-de-géant en arrière pour la communauté LGBT du pays, qui s'inquiète déjà de l'accroissement des violences homophobes.
En adoptant une telle loi, Goodluck Jonathan ne se met pas en danger vis-à-vis de son opinion publique : une large majorité de la population soutient la loi, le pays ayant globalement des mœurs très conservatrices. La loi est donc le moyen pour le président de faire temporairement diversion et occulter son bilan jusque-là très mitigé. Celle-ci pourrait cependant avoir un effet boomerang. Pourquoi insister sur le rejet du mariage homosexuel alors même que nulle association LGBT n'osait émettre une telle revendication ? La réponse se trouve dans le rejet des valeurs occidentales au sein d'une partie de la population, occident marqué récemment par la thématique du mariage homosexuel.
Goodluck Jonathan espère ainsi surfer sur cette vague pour regagner quelques points de popularité, mais il pourrait bien s'écraser contre les récifs : attiser la colère anti-occidentale et conforter le conservatisme social risque en effet de renforcer Boko Haram. Le gouvernement nigérian semble, comme dans d'autres domaines, se mordre la queue : reste à savoir si le Nigeria saura jouer au funambule sur la voie du développement ou se laissera happer par le conservatisme populiste.
En adoptant une telle loi, Goodluck Jonathan ne se met pas en danger vis-à-vis de son opinion publique : une large majorité de la population soutient la loi, le pays ayant globalement des mœurs très conservatrices. La loi est donc le moyen pour le président de faire temporairement diversion et occulter son bilan jusque-là très mitigé. Celle-ci pourrait cependant avoir un effet boomerang. Pourquoi insister sur le rejet du mariage homosexuel alors même que nulle association LGBT n'osait émettre une telle revendication ? La réponse se trouve dans le rejet des valeurs occidentales au sein d'une partie de la population, occident marqué récemment par la thématique du mariage homosexuel.
Goodluck Jonathan espère ainsi surfer sur cette vague pour regagner quelques points de popularité, mais il pourrait bien s'écraser contre les récifs : attiser la colère anti-occidentale et conforter le conservatisme social risque en effet de renforcer Boko Haram. Le gouvernement nigérian semble, comme dans d'autres domaines, se mordre la queue : reste à savoir si le Nigeria saura jouer au funambule sur la voie du développement ou se laissera happer par le conservatisme populiste.